14 mai 2025

Le droit de répondre : un principe d’équité qui vaut aussi pour les plaignants

Le droit de répondre : un principe d’équité qui vaut aussi pour les plaignants

Les enquêteurs en milieu de travail doivent donner l’opportunité à toutes les parties de répondre et de réfuter toute information contradictoire révélée en cours de route.  

Un an après sa publication, il est utile de se remémorer les enseignements de la décision Marentette c. Canada (Procureur général)[1], notamment à la lumière des développements jurisprudentiels récents qui continuent d’insister sur l’importance d’un processus équitable et transparent. La Cour fédérale y rappelle avec force qu’une enquête en milieu de travail ne peut être considérée comme équitable si elle prive l’une ou l’autre des parties – y compris la personne plaignante – de l’occasion de prendre connaissance et de répondre à la preuve défavorable.

Cette décision continue d’être citée et d’inspirer les pratiques, alors que les tribunaux rappellent régulièrement que ce n’est pas le résultat d’une enquête qui est en cause lors d’un contrôle judiciaire, mais bien la rigueur du processus suivi et le respect des droits procéduraux fondamentaux.

Dans le dossier en cause, un agent des services frontaliers du Canada alléguait avoir subi de la part de six superviseurs, entre 1995 et 2020, du harcèlement en milieu de travail. En somme, il alléguait avoir fait l’objet de menaces, d’insultes et de commentaires à connotation discriminatoire.

Bien que Marentette ait déposé son avis d’incident en avril 2021, ce n’est qu’en avril 2022 que l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») a retenu les services d’un enquêteur. Dans le rapport final envoyé à Marentette en janvier 2023, l’enquêteur a déterminé que ses allégations ne constituaient pas du harcèlement et de la violence en milieu de travail.

Cela dit, le processus d’enquête ayant mené à cette conclusion a soulevé des préoccupations pour le juge au niveau de l’équité procédurale. Plus spécifiquement, l’ASFC avait établi un ensemble d’étapes procédurales à suivre lors de l’enquête, et celles-ci n’avaient pas été respectées. Selon ces étapes, Marentette, ainsi que les parties intimées, auraient dû recevoir une copie du rapport préliminaire de l’enquêteur et avoir l’occasion de soumettre leurs commentaires. C’est ce qui a constitué la base de la révision judiciaire.

Ainsi, la Cour a examiné la question de savoir si Marentette avait eu une opportunité raisonnable de répondre à toute preuve défavorable soulevée au cours de l’enquête[2]. Selon le juge, il n’était pas raisonnable de s’attendre à ce que, lors de sa seule rencontre avec l’enquêteur et à travers son avis d’incident, Marentette anticipe et adresse de manière exhaustive tout ce que les superviseurs et le témoin auraient pu partager[3].

D’ailleurs, la Cour souligne que les enquêtes portant sur des allégations de harcèlement et de violence en milieu de travail exigent un niveau élevé d’équité procédurale, compte tenu de la gravité des allégations et de leurs conséquences potentielles[4]. Dans de tels contextes, il est d’autant plus essentiel d’offrir aux parties une réelle possibilité de répondre à la preuve défavorable.

Cette décision confirme ainsi un élément important de l’équité procédurale dans les enquêtes en milieu de travail, soit le droit de la personne plaignante de connaître et de répondre aux éléments de preuves contraires à ses allégations. Bien que ce droit soit bien établi pour les personnes visées par une enquête, cette décision confirme que la personne plaignante a le droit à une opportunité similaire lorsqu’une preuve contradictoire est soulevée en cours d’enquête.

Plus récemment, dans Saint-Denis c. Canada (Procureur général)[5], la Cour fédérale a rappelé que ce n’est pas le résultat de l’enquête qui peut être contesté devant les tribunaux, mais bien le respect des principes d’équité procédurale. Le demandeur doit ainsi démontrer qu’une violation d’équité a eu lieu et qu’elle a compromis la validité de l’enquête. En d’autres mots, il ne suffit pas d’être en désaccord avec les conclusions de l’enquêteur ; il faut prouver que le processus lui-même était vicié au point d’en affecter le sérieux et la crédibilité[6].

Points essentiels

Une enquête équitable exige que les parties impliquées, y compris les personnes plaignantes, aient une opportunité de présenter leurs versions et de répondre aux preuves contradictoires. Cette décision met l’emphase sur l’importance de la transparence et de la communication lors d’une enquête.

Enfin, le non-respect des règles d’équité procédurale peut miner la crédibilité d’une enquête et augmenter les risques pour l’employeur de faire face à une contestation judiciaire coûteuse et à une responsabilité accrue.

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[1] 2024 FC  676.

[2] Id., par. 51 et 52.

[3] Id., par. 16.

[4] Id., par. 40.

[5] 2025 CF 339

[6] Id, par. 59.

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