30 juin 2021
Même sans harcèlement, un employeur devrait intervenir en cas de conflit
Même sans harcèlement, un employeur devrait intervenir en cas de conflit
Harcèlement psychologique, rapports sociaux difficiles, conflits interpersonnels ? Une décision récente souligne que peu importe la réponse, un employeur ne peut rester les bras croisés lorsqu’il est conscient d’une problématique relationnelle entre certains de ses employés.
Faits
Dans une décision récente1, l’arbitre Nathalie Massicotte s’est penchée sur trois griefs alléguant notamment que lapersonne plaignante, une technicienne en administration des horaires, a fait l’objet de harcèlement psychologique de lapart de son supérieur immédiat. Dans ses griefs, la personne plaignante avait par ailleurs contesté les conclusions del’enquête interne menée par l’employeur conformément auxquelles l’employeur avait exercé de manière légitime sesdroits de direction.
L’arbitre a procédé à l’analyse de trente-neuf allégations, parmi lesquelles elle en a retenu dix. Selon l’arbitre, ces dix (10) situations ou comportements, pris isolément, pouvaient en apparence être qualifiés d’hostiles ou de non désirés.
Voici certains exemples de comportements, chacun survenus à une occasion, qualifiés d’hostiles ou de non-désirés par l’arbitre :
- Le mis en cause a dit à la personne plaignante, alors qu’il était en colère, qu’il était convaincu qu’elle n’était pas malade lors d’une journée où il lui avait demandé de rentrer plus tôt pour le remplacer.
- Le mis en cause a reproché une erreur à la personne plaignante en lui « criant après ».
- Le mis en cause a mis la clé dans la porte du bureau de la personne plaignante, qu’elle venait de fermer pour se concentrer, et s’en est moqué avec d’autres collègues de travail.
- Lors d’une journée, le mis en cause a ignoré sciemment et à répétition la personne plaignante qui lui disait bonjour.
- Le mis en cause a dit à un autre chef d’équipe, en parlant de la personne plaignante et en sa présence : « je ne comprends pas vraiment son comportement » suite à un malentendu en lien avec des calepins manquants pour des stagiaires.
- En réponse à une explication donnée par la personne plaignante à l’effet que le dernier salarié sur la liste de rappel avait été rappelé, le mis en cause a repris la personne plaignante en disant : « on dit liste de rappel épuisée, franchement ». Le mis en cause a ajouté qu’avec son expérience, elle devrait tout connaître et que tout le monde l’avait trouvée ridicule de ne pas connaître une information qui, quant à lui, semblait évidente.
Décision
Après avoir analysé globalement l’ensemble des incidents, l’arbitre a conclu que la majorité des trente-neuf allégations relevait manifestement des droits de gestion de l’employeur. L’arbitre a également déterminé que plusieurs allégations reposaient sur des perceptions et non pas sur des faits vérifiables et concrets. Par ailleurs, le tribunal a souligné que les situations révélaient manifestement des rapports sociaux difficiles, de l’ordre de personnalités incompatibles et que le conflit a été exacerbé en raison d’un contexte de gestion de la performance. Il a été établi par la preuve que le mis en cause était doté d’un mauvais caractère, manquait de tact, de sensibilité et de diplomatie à l’endroit de ses employés. L’arbitre a toutefois déterminé que bien que certains agissements ou interventions avaient été maladroits, hostiles ou non désirés s’ils étaient pris isolément à l’endroit de la personne plaignante, la conduite du mis en cause ne pouvait être qualifiée de vexatoire.
En fin de décision, l’arbitre a commenté l’attitude de l’employeur. À cet égard, la preuve a révélé que ce dernier avait constaté la présence d’un conflit entre la personne plaignante et la personne mise en cause et avait demandé l’aide du Service des ressources humaines pour amorcer une démarche de médiation ou de facilitation en présence d’une tierce partie. Or, cela ne s’est pas concrétisé. Pour l’arbitre, cela aurait été une occasion pour l’employeur d’empêcher que la situation ne s’envenime et celui-ci aurait d’ailleurs dû être plus proactif pour aider les deux parties à régler leur conflit.
Conseils pratiques
Cette décision met en relief les nouvelles tendances dans le domaine du respect et de la civilité en milieu de travail. Il est recommandé aux employeurs d’intervenir dès qu’une situation conflictuelle se présente, notamment afin d’éviter qu’elle dégénère et devienne, au fil du temps et à force de répétition et de déséquilibre des forces des parties, une situation de harcèlement psychologique.
La médiation et la facilitation sont des méthodes de résolution des différends pouvant être pertinentes dans ce type de situations, et peuvent être menées par des tierces parties neutres et impartiales. Ces méthodes de résolution des différends sont souvent efficaces à court, moyen et long terme, et permettent aux parties de communiquer plus sainement et à une organisation d’être plus en santé.
- Syndicat des travailleuses et des travailleurs du Centre de santé et de services sociaux de Laval - CSN et Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval (Michèle Bilodeau), 2021 QCTA 179.