16 juin 2022
Existe-t-il un incident moins grave de harcèlement sexuel ?
Existe-t-il un incident moins grave de harcèlement sexuel ?
Auteure : Hannah MacLean Reaburn
Révisé par : Me Alina-Mona Pase
Les développements à la Cour d’appel de l’Ontario nous disent « non »
Deux (2) décisions récentes de l’Ontario démontrent que chaque incident de harcèlement sexuel sur le lieu de travail doit être pris au sérieux, tant par les employeurs que par les employés qui se livrés à du harcèlement sexuel.
Render v. ThyssenKrupp Elevator (Canada) Limited (2022 ONCA 310) a confirmé la décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario (CSJO) selon laquelle le congédiement sommaire d’un employé occupant un poste de direction était justifié après un seul incident de harcèlement sexuel à l’encontre d’une collègue de travail (qui se rapportait parfois à lui), même si l’entreprise avait une politique de discipline progressive.
L’affaire Hucsko v. A.O. Smith Enterprises Limited (2021 ONCA 728) a renversé la décision de la CSJO, confirmant ainsi la décision de l’employeur selon laquelle quatre commentaires sexuels faits à une collègue de travail justifiaient une rupture irréparable de la relation d’emploi.
Il est à noter que dans les deux (2) cas, la Cour d’appel de l’Ontario a mis l’accent non seulement sur la gravité des incidents, mais aussi sur les réactions des employés qui se sont livrés à du harcèlement sexuel (les « parties intimées ») comme facteurs « atténuants » de l’acte offensant. Cela confirme un changement de la pratique qui était d’évaluer la gravité des incidents de harcèlement sexuel sur un spectre, pour maintenant prendre tous les incidents tout autant au sérieux.
Dans les deux cas, le manque de remords des parties intimées pour leurs actions a été important dans les conclusions de la Cour. Bien que la partie intimée dans l’affaire Render se soit excusée, elle a confirmé au procès qu’elle croyait toujours que ses actions ne constituaient pas du harcèlement sexuel. Dans l’affaire Huckso, la partie intimée a refusé de s’excuser auprès de la partie plaignante car elle ne reconnaissait pas non plus que ses actions constituaient du harcèlement sexuel. Cet aspect a été pris en compte dans les décisions de la Cour dans les deux cas, ce qui démontre que non seulement les cours reconnaissent l’intolérabilité et la gravité inhérentes au harcèlement sexuel dans tous les cas, mais qu’elles exigent également cette reconnaissance de la part des parties intimées.
Dans l’affaire Render, la compagnie avait une politique de « tolérance zéro » pour le harcèlement et la discrimination, ainsi qu’une politique de discipline progressive. Même avec cette dernière en place, la Cour a confirmé le droit de l’employeur de congédier sommairement la partie intimée. Le juge Feldman a déclaré ce qui suit:
« Il s’agit d’une situation des plus malheureuses qui découle d’un climat de travail trop familier et, par conséquent, inapproprié, qu’on a laissé dégénérer. Comme cette cour l’a dit dans l’affaire Bannister il y a presque 25 ans, il s’agit d’un climat de travail qui ne peut plus être toléré. Bien que certains puissent le percevoir comme étant anodin et tout à fait dans la plaisanterie, ceux qui reçoivent ces « blagues » personnelles ne le voient pas de cette façon. Et lorsque les choses vont trop loin, comme ce fut le cas dans cette affaire, les conséquences juridiques peuvent être graves. Tout lieu de travail devrait être basé sur le respect mutuel entre collègues. Une atmosphère de respect mutuel tracera naturellement les limites des comportements à ne pas franchir. » (Render au paragraphe 70) [Traduction libre]
En réitérant la conclusion dans Bannister 25 ans plus tôt, Render démontre que les climats de travail inappropriés ne sont un problème nouveau ni pour les employeurs, ni pour les tribunaux, et qu’ils constituent un problème grave qui doit être pris au sérieux.